Etape 4: Montagne Noire

(4ème étape d’un voyage cyclotouriste de Toulouse à Nice en mai et juin 2013)

Vendredi 17 mai

95 km

Dénivelé 1455 m

Très beau, 20°, ciel voilé le soir

Montgrenier – Montréal – Bram – Carlipa – Saint Papoul – Les Cammazes – Durfort – En Calcat – Soual – voie verte jusqu’au lac – N126 – Castres – D89 – Burlats – Lacrouzette

Montagne Noire, départements 11 et 81

Quand j’ai préparé le voyage, j’ai recompté au moins trois fois le kilométrage de cette étape car je n’arrivais pas à imaginer que Carcassonne soit aussi près de Castres. Par contre, le dénivelé était un peu ambitieux et on peut facilement contourner quelques côtes.

Pyrénées centrales depuis Montgrenier

Pyrénées centrales depuis Montgrenier

Vu la pluie qui était tombée le soir, je ne m’attendais pas du tout au ciel bleu sans un nuage que j’ai découvert le matin en ouvrant les volets. Il faisait très froid puisque la dame m’a dit qu’il avait presque gelé mais j’ai eu une vue absolument fantastique sur toute la chaîne des Pyrénées couverte de neige fraîche. La maison est suffisamment haut au-dessus de la vallée de l’Aude pour donner la vue sur une distance considérable. Je me suis empressé de prendre les photos de peur que les montagnes disparaissent vite dans la brume ou dans des nuages mais elles sont restées finalement parfaitement visibles toute la journée car je les ai revues depuis deux autres points de vue.

Capcir depuis Montgrenier

Capcir depuis Montgrenier

Je pouvais reconnaître facilement le Canigou, le Carlit et le Pic de Montcalm qui domine la frontière d’Andorre, mais la chaîne continuait jusqu’à perte de vue au moins jusqu’aux montagnes de Luchon et probablement jusqu’au Vignemale sur une étendue de 200 km. Je n’avais jamais vu un panorama aussi magnifiquement clair lors de mes voyages en vélo même si on a ce genre de vues de temps en temps en hiver dans le Massif Central.

Canigou depuis Montgrenier

Canigou depuis Montgrenier

Puisque la maison de la dame est au pied de la montagne de Malepère, on est obligé de choisir entre monter par une petite route jusqu’au sommet pour descendre de l’autre côté… ou redescendre dans la vallée de l’Aude et faire tout le tour. Comme j’étais au moins à mi-hauteur, j’ai préféré finir la montée dont j’ai toutefois fait une bonne partie en poussant le vélo car elle est trop raide pour moi.

Malepère

Malepère

Pyrénées centrales depuis la Malepère

Pyrénées centrales depuis la Malepère

Je suis ainsi passé devant le château de Montgrenier dont la dame m’avait parlé puis j’ai fini par atteindre la crête d’où j’avais encore une fois la vue fantastique vers les montagnes. Le Canigou commençait à se coiffer de nuages mais la vue plus à l’ouest restait très claire.

Vue vers Montréal et la Montagne Noire

Vue vers Montréal et la Montagne Noire

Au demeurant, la Malepère culmine à seulement 420 m, ce qui n’est pas colossal. Côté nord, on est 300 m au-dessus de la plaine de Carcassonne qui paraît toujours affreusement monotone en voiture ou en train. La vue est nettement plus belle vue d’en haut et ma photo montre à gauche un village perché, Montréal, où je suis passé ensuite. J’ai descendu pendant 5 km et c’était très amusant, mais il a fallu remonter une pente très raide pour accéder au village. J’aurais pu le contourner si j’avais été paresseux mais c’était l’une des principales curiosités de la journée.

 Corbières depuis la Malepère

Corbières depuis la Malepère

Montréal n’est pas une bastide ni une forteresse royale malgré son nom, c’est plutôt un oppidum au bout d’une crête de la Malepère et dominant la plaine. Un enthousiaste local écrit dans Internet que ce serait un ancien lieu de culte mithraïque voire un oppidum celtique mais rien de tout ceci n’est documenté de façon convaincante.

Je suis arrivé par le mail, une place allongée avec une assez belle fontaine au milieu qui était malheureusement entourée de barrières. En effet, une fête sportive prévue le weekend suivant avait conduit à clôturer la fontaine de peur que des spectateurs rendus trop enthousiastes par une consommation immodérée de boissons intoxicantes n’essayent d’y prendre un bain.

Portail de l'église de Montréal

Portail de l’église de Montréal

J’ai eu un peu de peine à trouver la rue qui mène à la collégiale car les rues ne sont pas à angle droit comme dans les bastides. On entre par le côté de la nef en montant un grand escalier apparemment rendu nécessaire par les glissements de terrain de l’oppidum. Le portail est couronné d’un beau gâble en gothique rayonnant qui fait penser à la Normandie mais qui est la partie la plus impressionnante. La nef était recouverte d’une charpente en bois et les voûtes ajoutées plus tard sont banales.

Baroque à Montréal

Baroque à Montréal

J’ai pris deux photos à l’intérieur. Une montre le maître-autel baroque usuel dans le sud de la France, avec en plus des stalles Renaissance et surtout une très belle rambarde de chœur en porphyre. Au-dessus des boiseries, le bas des murs est orné d’une série de tableaux qui racontent la vie de Saint Vincent. Ce genre de décoration est rare dans les églises à déambulatoire du nord de la France, mais on le retrouve en Auvergne et en Allemagne.

Dais dans l'église de Montréal

Dais dans l’église de Montréal

L’autre photo montre un magnifique dais de procession avec coupole, colonnes chantournées dorées et tissus chamarrés. Je n’ai pas trouvé ultérieurement de détails supplémentaires et la seule région où j’avais vu des dais de procession (d’un style d’ailleurs différent) est la Bretagne.

Montagne Noire depuis Montréal

Montagne Noire depuis Montréal

J’ai encore admiré à Montréal une belle fontaine moderne devant la mairie puis j’ai pris la route qui descend pendant cinq kilomètres à travers les vignobles jusqu’au gros bourg agricole de Bram. Celui-ci a droit à une gare et à une sortie d’autoroute, ce qui montre son importance. C’est une petite ville romaine à l’origine (Eburomagus, d’où Bram que l’on prononce Bramme) mais il n’y a pas de monuments vraiment remarquables. L’église était fermée mais semble sur le modèle usuel du Midi.

Ce qui est très intéressant, c’est l’urbanisme: la ville s’est dévelopée en noyaux concentriques successifs et on voit très bien les trois rues circulaires successives appelées des circulades. Je pensais que c’était un plan lié à des soucis de défense (comme à La Turbie ou à Carpentras visités plus tard pendant le voyage) mais c’est ici la trace des fossés de remparts successifs.

Canal du Midi à Bram

Canal du Midi à Bram

Je ne suis pas resté trop longtemps à Bram car je cherchais un endroit agréable pour prendre un en-cas et je l’ai trouvé trois kilomètres plus loin à l’écluse du canal du Midi. Il y a une petite base de location et un port-étape, ce qui fait que j’ai pu admirer divers plaisanciers à l’entraînement avec leurs péniches. Le personnel de la base était très occupé à nettoyer les bateaux.

Pyrénées depuis Sainte-Gemme

Pyrénées depuis Sainte-Gemme

Le canal marque le point le plus bas de la vallée puis il faut remonter par étapes de l’autre côté, le paysage devenant plus accidenté aux approches de la Montagne Noire. J’ai eu le plaisir pendant tout le trajet d’admirer les Pyrénées même si les montagnes étaient un peu moins visibles maintenant que j’étais moins haut.

Horloge de ville à Villespy

Horloge de ville à Villespy

Je suis passé d’abord au village doté du nom inhabituel de Carlipa puis à Villespy où j’ai remarqué un très beau beffroi avec l’horloge municipale enjambant la rue principale. C’est si banal dans le Midi que les guides ne le mentionnent pas mais c’est vraiment typiquement méridional. Il y a aussi un vrai château à proximité, celui de Ferrals, mais il trône en haut de grands murs en pierre et je n’ai pas osé monter la rampe ni m’approcher car il y avait de gros engins de chantier tout autour.

Château de Ferrals

Château de Ferrals

Le château vient d’être racheté et est en travaux, mais une photo sur Internet montre un complexe magnifique avec corps de logis carré muni de tours de défense aux quatre coins, une longue cour fortifiée et un grand portail entre des tourelles rondes à l’entrée. On voit sur ma photo les tourelles en travaux et il faudra attendre quelques années avant de pouvoir visiter et admirer à sa juste valeur. En admettant évidemment que le propriétaire l’ouvre au public.Il paraît qu’il y a en plus tout un parc baroque avec fontaines et fabriques.

Le château se trouve sur la commune au nom assez amusant de Saint-Papoul. C’est un des grands sites historiques du Razès car une abbaye fut fondée ici à l’époque mérovingienne sous la domination wisigothe. Papoul aurait été un saint ermite décalotté en ce lieu (avant que vous ricaniez, ceci veut dire qu’on lui a découpé son scalp comme les Indiens font dans les films).

Saint-Papoul

Saint-Papoul

Quand le Pape décida de créer les évêchés de prédication anti-cathare en 1317, il en fonda un à Saint-Papoul qui est certainement l’un des anciens sièges épiscopaux les plus petits de France avec 769 habitants au dernier recensement ! Il reste de cette époque glorieuse une série de bâtiments abbatiaux qui appartiennent au département. Je n’ai pas pu les visiter car ils sont fermés pendant deux heures à midi et j’ai donc raté le cloître gothique et ses chapiteaux (il y a toutefois peu de chapiteaux historiés).

Chapiteau de Saint-Papoul

Chapiteau de Saint-Papoul

J’ai pu voir un peu l’église depuis l’autre rive du petit ruisseau et ceci permet de se faire une idée du grand bâtiment roman. J’ai surtout remarqué le clocher et un beau chapiteau historié sur l’extérieur du chœur. Il serait l’œuvre du Maître de Cabestany que j’avais raté à Saint-Hilaire la veille.

Pyrénées depuis la Montagne Noire

Pyrénées depuis la Montagne Noire

Puisque le musée était fermé de toute façon, j’ai pris le temps de pique-niquer sur un banc en pierre un peu dur mais agréablement ombragé. Je me suis ensuite attaqué à la Montagne Noire par la route qui monte directement de Saint-Papoul, mais elle comporte plusieurs sections très raides et je ne peux pas vraiment la conseiller. Il vaut mieux faire le détour par Verdun. Ceci dit, la petite route que j’ai prise est complètement déserte, est ombragée par moments et offre un panorama de plus en plus dégagé en haut.

Montagne Noire aux Cammazes

Montagne Noire aux Cammazes

La route se termine près du hameau des Brunels au niveau d’une table d’orientation qui m’a fourni un prétexte fort bienvenu pour une pause. La vue est fantastique, à peu près celle que j’avais eue le matin depuis mon hébergement. Comme on est encore beaucoup plus haut aux Brunels (environ 600 m au lieu de 300 m), on voit beaucoup plus loin y compris jusqu’au Pic du Midi de Bigorre qui était tout juste reconnaissable à 250 km de distance. Par contre, il y avait un peu plus de nuages et de brume en milieu de journée sur les Pyrénées orientales et ariégeoises.

Rigole des Cammazes

Rigole des Cammazes

Le contraste entre les vignobles asséchés de la plaine de Carcassonne et les prairies grasses ou les sapinières de la Montagne Noire donne un charme particulier au paysage qui est un peu fatigant à vélo. Je suis arrivé peu après aux Cammazes sur la crête de la montagne; on y franchit un petit canal, la Rigole de la Montagne construite par Riquier pour alimenter le canal du Midi. Le site est charmant avec de grands sapins. On devine sur ma photo un petit tunnel car la rigole passe sous une route importante en utilisant une voûte construite par Vauban.

Gorges du Sor

Gorges du Sor

J’étais déjà passé aux Cammazes en 1999 et je m’en souvenais donc un peu, mais j’avais pris à l’époque la nationale pour visiter Revel et le lac de Saint-Ferréol. Cette fois, j’ai cherché et trouvé après quelques hésitations la petite route qui descend dans les gorges du Sor.

Gorges du Sor et plaine de Castres

Gorges du Sor et plaine de Castres

Vu la longueur modeste des gorges sur la carte, je ne m’attendais pas à un site extra-fabuleux et c’est effectivement charmant, sauvage et raide mais pas vraiment spectaculaire. J’ai pas mal cherché pour prendre la photo du seul endroit un peu rocheux. On devine au fond une région de plaine bocagère mais c’est trompeur car ce sont en fait les chaînes de collines du Lauragais.

Ancien clocher de Sorèze

Ancien clocher de Sorèze

 Ancien lycée de Sorèze

Ancien lycée de Sorèze

La petite route passe Durfort puis arrive à Sorèze, endroit important où je me suis offert un premier goûter. Le père de Charlemagne fonda ici une abbaye bénédictine  qui jouit d’un grand renom et fut reconstruite régulièrement. Elle tomba finalement en ruines sous Louis XIV et il n’en reste qu’un majestueux clocher fortifié. Les bâtiments abbatiaux furent transformés sous Louis XVI en école militaire où l’on installé depuis un musée et un genre de centre de congrès.

Rigole à Sorèze

Rigole à Sorèze

Vu ce passé, l’architecture est assez austère. Le village ne manque pas de charme et mérite autant la visite que le clocher et l’ancienne école. J’y ai retrouvé les maisons à colombages et remplissage de briques du Midi toulousain et il y a même dans certaines rues des rigoles d’eau courante originales. C’est vraiment un bon endroit pour faire une pause.

Maisons anciennes à Sorèze

Maisons anciennes à Sorèze

J’ai pensé bien faire en longeant un peu le pied de la Montagne Noire jusqu’aux abbayes de Dourgne qui ne sont pas loin. Malheureusement, la route monte et descend sans arrêt pour franchir les différents vallons, ce que j’ai trouvé trop fatigant. En plus, la route est assez étroite avec des rangées de platanes et très fréquentée – beaucoup plus qu’une route jaune sur la carte en temps habituel. J’étais aussi très gêné par le vent du nord assez fort. Sur une route tranquille, j’aurais été prêt à combattre le vent, mais la circulation, les pentes incessantes et le vent combinés étaient trop.

J’ai tenu jusqu’à Dourgne où ma carte mentionne deux abbayes, En-Calcat et Sainte-Scholastique. Ce sont deux abbayes bénédictines fondées dans le cadre du renouveau religieux en 1890 et ce ne sont donc pas des bâtiments anciens comme je l’avais espéré. Ceci dit, les deux abbayes ont un rayonnement spirituel remarquable, comparable peut-être à Solesmes, et sont parmi les plus importantes de France. Je ne m’y suis pas arrêté vu qu’il n’y a rien à visiter et que j’aurais été embarrassé de ma tenue sportive (fausse excuse: je reconnais qu’il suffit de mettre le pantalon de pluie pour avoir l’air convenable sans se changer beaucoup).

En regardant la carte, j’ai eu l’impression que je pouvais quitter la route si pénible pour rejoindre une piste cyclable sur l’ancienne voie ferrée de Revel à Castres. Je pensais en plus que cette piste avait plus de chances d’être bordée de haies et donc moins exposée au vent. En fait, ce n’était pas une bonne décision. J’ai commencé par descendre pendant des kilomètres jusqu’au pont sur le Sor où j’ai trouvé la piste cyclable à l’entrée du village de Soual. Elle n’est pas indiquée mais on voit immédiatement que ce ne peut pas être autre chose que la voie verte.

Lac de Languegineste près de Castres

Lac de Languegineste près de Castres

Effectivement, elle se dirige vaguement vers Castres et est en partie abritée du vent, ce qui fait que je n’étais pas mécontent même si j’avais l’impression de faire un détour. Mais la voie verte est loin d’aller jusqu’à Castres, elle croise deux nationales par des carrefours sécurisés avec soin puis se termine sans prévenir au bord d’un étang sans aucune pancarte. Qui plus est, l’étang semble de création récente car il ne figure pas sur ma carte de 2008. Je me suis donc assis sur un banc et j’ai pris un deuxième goûter pour me consoler de ma situation déplaisante.

J’ai fini par deviner que l’étang correspondait probablement à la base de loisirs indiquée sur la carte mais ceci impliquait que j’étais beaucoup plus loin de Castres que je ne le pensais (pas loin de 10 km) et que je n’avais aucune alternative à la route nationale. J’ai donc fait le tour de l’étang, ce qui était venté mais charmant, j’ai traversé un très grand parking presque vide puis je me suis effectivement retrouvé sur une route affreusement fréquentée avec de nombreux poids lourds – c’est la route de Toulouse à Castres puisqu’il n’y a pas d’autoroute.

La route est certes assez large presque tout le temps, mais respirer les gaz de diesel tout en luttant contre le vent et contre une petite côte occasionnelle est vraiment le genre d’activité que j’évite normalement. La ville de Castres s’annonce par une rangée interminable d’entrepôts et de magasins, un peu comme à Narbonne. Ceci veut dire plein de voitures pressées qui pensent plus aux livraisons ou aux courses qu’à un cycliste. Il y a par moments une bande cyclable, mais elle disparaît évidemment aux ronds-points. Pour éviter tout cela, il aurait fallu ajouter encore un détour et je n’avais ni le temps ni l’énergie.

Ceci dit, on finit effectivement par arriver assez directement au centre de Castres. Je suis passé devant la gare où j’ai estimé que l’autorail venait probablement d’arriver vu le nombre de personnes traînant des bagages. Deux jeunes messieurs habillés d’une façon outrageusement efféminée et dotés de coiffures assez fantaisistes m’ont un peu surpris vu que Castres est plus connu pour le rugby, réputé machiste ou au moins viril, que pour son milieu homo. D’un autre côté, les joueurs de rugby étant connus pour apprécier qu’on admire leur corps (voir le calendrier franchement érotique du club de rugby de Paris)…

Parc de la mairie à Castres

Parc de la mairie à Castres

Castres connut une histoire mouvementée mais pas tellement différente de Pamiers par exemple. Ce fut aussi un évêché créé en 1317 au grand dam de l’abbé du lieu qui intenta un procès pour essayer de garder ses substantiels revenus. Il faut dire que le Pape avait décidé de ne pas le nommer évêque alors qu’il aurait pu le faire comme il l’a fait à Saint-Papoul, Lombez et Montauban, évitant les disputes.

Mais Castres eut la chance d’avoir de nombreux bourgeois aisés et entreprenants qui y implantèrent une industrie textile considérable. La ville parvint aussi à se reconvertir dans la pharmacie et la mécanique de précision, ce qui en fait une ville industrielle forte de plus de 40.000 habitants. Par certains côtés, Castres est donc comparable aux villes du Sud de l’Allemagne et c’est assez rare dans la province française.

Jardin public de Castres

Jardin public de Castres

Je n’avais pas le temps de visiter la ville en détail et le patrimoine vraiment ancien se limite à quelques hôtels particuliers, les églises ayant été reconstruites après les guerres de religion. Mais j’ai quand même admiré les quais de l’Agout et la place de l’hôtel de ville. Celui-ci fut construit par Mansart avec des jardins conçus par Le Nôtre, ce que je ne savais pas sur place mais qui explique pourquoi je les ai trouvé remarquables. Superbes topiaires.

Tour de la mairie à Castres

Tour de la mairie à Castres

Chose intéressante, ce n’était pas l’hôtel de ville à l’origine mais plutôt le palais épiscopal, qu’il avait fallu reconstruire vu que l’on avait bâti une belle cathédrale toute neuve au goût du jour. La photo avec le portail montre aussi une grosse tour romane, le seul vestige de l’abbaye qui avait combattu la création de l’évêché.

Arcade à Castres

Arcade à Castres

En face de l’hôtel de ville côté cathédrale, j’ai remarqué une longue série d’arcades basses qui abritent des magasins. Apparemment, l’évêque pensait que ce ferait un cadre élégant pour la cathédrale ? On devine au fond sur la photo quelques maisons à colombages de style toulousain mais je dois avouer que je ne les avais pas remarquées sur le moment et que c’est un site Internet qui m’y a rendu attentif.

Parlant d’arcades, c’est l’urbanisme traditionnel dans la région même sur des places construites au XIXème siècle; il y en a ailleurs dans Castres même si je n’y suis pas allé. J’aime mieux les arcades en briques comme à Montauban ou les couverts en bois comme à Mirepoix.

Théâtre de Castres

Théâtre de Castres

En face de l’hôtel de ville côté jardin, il y a outre les topiaires et la fontaine une place assez vide avec un théâtre qui trône superbement au milieu de cette isolation. C’est une copie en plus petit de l’Opéra-Comique de Paris avec une façade dans le style de l’Opéra Garnier puisque l’architecte de Castres était un élève de Garnier. La décoration est toutefois plus légère et les colonnades sont remplacées par des bombements qui donnent un léger air Art Nouveau.

Maisons sur l'Agout à Castres

Maisons sur l’Agout à Castres

La grande curiosité de Castres est un musée de peinture espagnole que je ne pouvais évidemment pas visiter et j’ai admiré à la place les maisons qui donnent directement sur l’Agout. Pas de quai donc qui serait la disposition usuelle en France par souci d’urbanisme cartésien. Les maisons sur le fleuve étaient autrefois divisées en deux: les étages appartenaient à une famille ou à un investisseur qui louait les appartements.

Bords de l'Agout

Bords de l’Agout

La cave donnant sur le fleuve et munie d’un lavoir ainsi que le rez-de-chaussée appartenaient à des commerçants qui y faisaient travailler les peaux et y logeaient les ouvriers. Le même commerçant louait au propriétaire des étages les greniers pour y faire sécher les peaux. Le même type de maison existe aussi au bord du Lot dans les petits bourgs comme Espalion. J’ai été surpris d’apprendre que les maisons très bien restaurées et toutes subtilement différentes de Castres sont gérées par l’office des HLM.

L'Agout vers Les Selvages

L’Agout vers Les Selvages

Même sans passer des heures à Castres parce qu’il se faisait tard, j’ai trouvé que l’arrêt avait été agréable. J’ai continué ensuite en remontant la vallée de l’Agout qui s’enfonce presque immédiatement dans une vallée encaissée et boisée rappelant beaucoup celles des Ardennes. Le premier village en amont est Burlats qui était apparemment la résidence de familles nobles et qui en a gardé un ensemble exceptionnel de bâtiments anciens.

Hôtel à Burlats

Hôtel à Burlats

Le premier est l’ancien château du 17ème siècle transformé en « hôtel-restaurant de charme ». Effectivement, j’y vois bien un entrepreneur allemand ou un dentiste belge en retraite s’y arrêter sur le chemin de sa maison en Espagne. Le château a même une grosse tour carrée du 14ème siècle dont les ouvertures minuscules à grande hauteur montrent bien que la région n’était guère sûre au moment de la Guerre de Cent Ans.

Eglise romane de Burlats

Eglise romane de Burlats

Le deuxième bâtiment intéressant est l’un des plus étonnants que l’on puisse concevoir. Rien d’original à trouver une église en ruines bien que ce soit un monument très vénérable datant du tout début de l’époque romane vers l’an mil. La vue sur le chevet et le portail du transept est intéressante, montrant une frise géométrique qui rappelle l’art roman de Normandie. Les arcatures sous le toit sont des bandes lombardes que l’on voit fréquemment dans la vallée du Rhin et la disposition des contreforts et des volumes fait un peu penser à la Catalogne.

Le prieuré et l’église furent détruits une première fois pendant la guerre contre les cathares, puis pendant les guerres de religion. Faute de moyens financiers, les paroissiens continuèrent à utiliser les ruines comme église jusqu’en 1845, date à laquelle elles devinrent monument historique (un des premiers à être inscrit).

Mairie dans l'ancienne église

Mairie dans l’ancienne église

Atelier municipal dans le choeur

Atelier municipal dans le choeur

La mairie ne pouvant pas payer la reconstruction de l’église, elle décida de consolider les murs qui restaient et de les utiliser pour appuyer la maison communale. Vu que c’est un petit village, le bâtiment apparaît modestement placé dans un petit coin de l’ancienne nef qui l’entoure de ses bras protecteurs. La partie moins réussie qui occupe une partie du transept me semble être l’ancienne école et est en réfection sur la photo. Mais l’effet total est vraiment charmant et surprenant.

Maison médiévale de Burlats

Maison médiévale de Burlats

Je n’ai pas remarqué sur le moment le troisième monument et j’ai été trop paresseux une fois que j’avais traversé l’Agout pour y retourner. J’ai pris une photo au téléobjectif et on voit très bien sur la photo le gros cube en granite de la « maison d’Adélaïde », une maison romane du 12ème siècle. Tandis que la maison de la même époque à Saint-Antonin-Noble-Val est une maison de ville décorée et largement ouverte sur la rue, celle de Burlats est une maison forte de campagne avec juste une rangée d’arcades élégantes au second étage qui éclairaient la pièce unique.

Le premier étage n’avait que de toutes petites ouvertures et abritait les soldats. Le rez-de-chaussée était aveugle et servait uniquement de cave. C’est donc pratiquement le même plan qu’un donjon sauf qu’il n’y avait pas de murs autour de la cour et que la maison est dans la vallée. On est avant la conquête française et les petits seigneurs se battent souvent pour agrandir leurs fiefs.

 Vallée de l'Agout depuis Lacrouzette

Vallée de l’Agout depuis Lacrouzette

Après la visite très intéressante de Burlats, il ne me restait que 5 km jusqu’au village de Lacrouzette où j’avais réservé une chambre d’hôtel. Comme dans les Ardennes, c’est une grande côte presque continue sans être excessivement raide et je n’en ai un peu souffert que parce que j’avais déjà franchi énormément de dénivelé pendant la journée.

Il y a très peu de tables d’hôtes dans la région et j’avais trouvé cette chambre par Internet. Comme les sites de réservation perçoivent 15%, je réserve par téléphone pour une chambre d’hôte comme celle de Loubens afin d’aider la propriétaire. Dans le cas d’un hôtel, je réserve par Internet afin d’avoir une trace écrite de la réservation et du prix convenu – même si certains voyageurs étrangers se plaignent que divers hôtels ne respectent pas ces réservations dans certaines régions comme l’arrière-pays de Nice.

En fait, l’hôtel de Lacrouzette ne méritait pas ma méfiance et le prix avantageux s’explique surtout parce qu’il écoule ainsi quelques petites chambres non rénovées. Le confort est donc simple mais il y a une salle de douche privée et un lit moderne, ce qui me suffit. J’ai été accueilli par un monsieur un peu survolté qui m’a toutefois autorisé à mettre le vélo dans sa remise, chose rassurante vu que le temps semblait se couvrir.

Pour le dîner, le choix est limité dans un village de 1500 habitants et la seule alternative était un café assez simple dont mon hôtelier ne pense évidemment pas grand bien. Il a un restaurant ouvert tous les jours pendant les vacances scolaires d’été mais il ne sert à dîner que deux ou trois fois par semaine le reste de l’année, un peu selon les réservations des gens du village. J’ai eu de la chance qu’il décide d’ouvrir sa cuisine pour moi même si cela s’est avéré justifié ensuite parce que des touristes sont arrivés sans réservation.

Comme on dîne dans une grande salle unique qui sert aussi à plusieurs autres usages, j’ai appris plein de choses en posant des questions au monsieur et à sa femme (elle avait plus de temps que lui au début du repas) et en observant. Tout un groupe de personnes du village discutait avec animation dans une salle séparée qui est probablement le restaurant l’été. J’ai appris ensuite que c’était une réunion du comité des fêtes. Au Luxembourg, ce sont des messieurs d’âge mûr et des politiciens de village. A Lacrouzette, c’est un groupe de copains enthousiastes qui viennent avec épouse et bambin.

Ils dînent pendant la réunion puis terminent au bar dans la salle principale. Les trois enfants couraient partout pendant la partie « bar » et s’amusaient particulièrement sur la piste de danse où trainaient des cartons et des coussins merveilleux pour se cacher ou se courir après. Les hôteliers organisent des soirées « disco de village » une fois par semaine en été et on a donc intérêt à se renseigner avant vu que les chambres sont juste au-dessus de la piste de danse !

J’ai oublié le métier d’origine du monsieur mais il a repris le fond de commerce il y a quelques années quand il a rencontré sa femme actuelle qui était monitrice de plongée dans les DOM-TOM – et à qui la mer manque un peu, ce que je comprends très bien. Je suppose que le monsieur faisait aussi du sport car il a une taille imposante. La passion du monsieur est la cuisine, en particulier les petits plats mijotés à l’ancienne. Il sert aussi des choses banales pour les touristes, mais il a un plat du jour réservé aux connaisseurs.

Les seuls autres touristes en dehors de moi étaient une famille qui a pris quelque chose de standard, mais j’ai eu le droit au menu complet avec assiette de charcuterie (que je prends souvent si les autres entrées me paraissent trop légères pour un cycliste), bœuf bourguignon avec des pommes de terre et une excellente île flottante.

Le bœuf bourguignon a été l’occasion d’une discusssion prolongée sur les avantages et les inconvénients de préparer les daubes différemment des ragoûts – je ne fais ni l’un ni l’autre chez moi, mais c’est très bon chez les autres. Le monsieur aime ces plats qu’il faut cuire en quantité importante et qui deviennent meilleurs quand on les réchauffe, c’est pratique pour un restaurateur.

Normalement, un dîner au restaurant est assez ennuyeux pour moi vu que je suis seul devant mon assiette, mais j’ai eu une conversation sympathique toute la soirée avec les restaurateurs et j’ai même échangé quelques mots avec les membres du comité des fêtes. Après, j’ai fait un petit tour à pied dans le village qui se trouve tout en haut sur un éperon dominant la gorge de l’Agout. C’est vraiment un gros village animé parce qu’il y a toute une série de carrières de granite dans la forêt aux environs. J’en ai tenu compte pour le trajet du lendemain.

Une Réponse to “Etape 4: Montagne Noire”

  1. Jean-Pierre Says:

    Bonjour,
    je me suis permis de prendre la photo du château de Ferrals de votre site pour la publier dans un reportage concernant ce château sur le site http://www.belcaire-pyrenees.com, si cela vous ennuie, n’hésitez pas à me le dire et je l’enlèverai.
    bien cordialement,

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