Etape 1: Jura suisse

Dimanche 3 juin

104 km

Neige, puis couvert et venté

La Chaux de Fonds – La Sagne – Plamboz – Brot Dessus – Travers – Buttes – Col des Etroits – Les Fourgs – Les Rosiers – Port Titi – Remoray – Col de Rondefontaine – Mouthe.

Dénivelé: 730 m

En me levant, j’ai constaté avec stupéfaction la tempête de neige dehors. Tout était blanc, toits, jardin et balcons, même si la rue était dégagée. Une tempête de neige en juin, c’était vraiment une nouveauté pour moi. Comme j’étais presque le seul dans la pièce du petit déjeuner (simple comme il convient dans une auberge, mais avec des quantités à volonté, ce que les sportifs apprécient beaucoup), j’ai parlé du temps avec la dame de la cuisine.

Elle m’a dit que c’était un peu tard en saison pour de la neige, surtout que l’hiver avait été très pluvieux mais plutôt doux: habituellement, ils ont jusqu’à cinq mètres de neige et les gens habitant en banlieue peuvent sortir par les portes-fenêtres du premier étage à skis, tandis qu’ils n’avaient pas eu plus de deux mètres cette année. La ville est à 1000 mètres d’altitude et la dame prétendait que c’est la ville la plus haute d’Europe; cela dépend de ce que l’on appelle une ville, Briançon par exemple est à 1300 mètres, mais a peut-être nettement moins d’habitants.

Les deux cyclistes de ma chambre ont décidé de rester en ville vu le mauvais temps, d’autant plus qu’ils avaient été douchés abondamment deux jours avant, comme cela arrive souvent dans le Jura. Ils m’ont dit qu’ils avaient trouvé l’auberge de Pontarlier assez primitive, ce qui fait que je n’ai pas trop regretté de ne pas pouvoir y aller (elle était pleine). Je n’avais pas l’intention de commencer mes vacances par abandonner lâchement la première étape, et je suis aussi toujours contraint de partir le matin du fait des réservations effectuées -c’est aussi bien, le temps change souvent en cours de journée et je m’en voudrais sinon dans ce cas. En l’occurrence, il faisait effectivement très mauvais et très froid, je n’avais jamais eu de la neige à vélo, ni à Luxembourg, ni dans les cols froids et humides des Pyrénées. Par prudence, j’ai mis toutes les épaisseurs de vêtements dont je disposais.

Neige en juin à La Chaux de Fonds

J’ai commencé par aller à la gare où les deux jeunes m’avaient dit que je pouvais trouver la seule boulangerie ouverte un dimanche dans la ville. Les rues étaient évidemment désertes, le vent sifflait et m’aveuglait quand je prenais la mauvaise direction, le vélo glissait sur la chaussée humide à la limite du gel. Un temps parfait ! J’ai acheté mon pain, parvenant à me débarrasser de toutes les pièces suisses qui me restaient, puis j’ai pris la grande avenue du centre ville. La première photo montre les tilleuls et les quelques maisons de la vieille ville qui restent encore. Ce n’est pas transcendant, mais je voulais absolument prendre une photo où l’on voit la neige tomber.

Vieille ville de La Chaux de Fonds

Mais il ne faisait plus aussi froid, les toits n’étaient plus blancs, comme on peut le voir sur la deuxième photo. La vieille ville est petite, la photo devait montrer en fait plus les statues follement 1900 du monument à je ne sais pas quoi. La ville a brûlé pendant les guerres révolutionnaires vers 1800 et on l’a reconstruite sur un plan en damier extrêmement strict, un peu comme les villes américaines, fondées pour la plupart à la même époque. Les rues sont toutes droites, se coupent à angle droit et ne tiennent aucun compte des pentes, ce qui fait qu’elles se transforment même par endroits en escaliers. Les maisons sont toutes identiques, quatre étages, fenêtres régulières, portes identiques à intervalle identique. C’est vraiment un peu étrange. La seule exception est la grande avenue du centre, bordée d’immeubles commerciaux horribles ou de palais officiels dans le style néo-renaissance des années 1890.

Comme le seul hébergement que j’avais trouvé pour le dimanche soir était (grâce à Internet) un hôtel à Mouthe, qui est assez loin, je ne pouvais pas faire de détours trop longs, au contraire de la situation en 1990. Du coup, je pouvais aussi prendre une autre route qu’à l’époque, ce qui est toujours mieux. J’avais quand même envisagé de passer le col appelé joliment « Vue des Alpes », un des plus beaux panoramas de Suisse, mais cela causait un détour important et le temps me fournissait une excuse irréfutable. Même comme cela, j’ai quand même été obligé de monter la crête de La Sagne, à 1200 mètres. Il continuait à neiger, mais plutôt sous forme d’averses, et j’ai eu un peu trop chaud en montant, ce qui était rassurant.

J’ai un peu regretté de n’avoir aucune vue avec la neige, mais la nouveauté de pédaler dans un paysage tout blanc, arbres, champs et même les bas-côtés, compensait. La route en soi est l’ancienne nationale, un peu raide et trop large pour être plaisante, mais elle est très tranquille maintenant qu’il existe un tunnel sous le col. De toute façon, je l’ai quittée à la première crête pour descendre dans la jolie combe de La Sagne, un paysage typique du Jura Suisse, ruisseau serpentant de ferme en ferme parmi les prairies en bas, forêts de sapins sur les pentes raides mais pas très hautes de chaque côté.

Arrivé au premier village, je me suis arrêté pour manger une barre chocolatée afin de compenser tout risque d’hypoglycémie (la descente depuis la crête dans la neige -la route étant cette fois mal dégagée- m’avait paru très froide). Il y a une église prétendument intéressante, mais je ne suis pas parvenu à y entrer, j’ai juste remarqué le portail gothique assez simple qui date de 1499 (la date est indiquée dessus). Curieusement, le temps s’est assez rapidement amélioré dans cette combe, la neige s’est arrêtée de tomber et elle ne tenait pas en-dessous de 1100 mètres, ce qui fait que j’ai assez vite retrouvé les prairies pleines de fleurs sauvages et les grosses fermes. J’ai même été obligé d’attendre cinq minutes à une barrière de fortune en cordelette de nylon orange qu’un troupeau finisse de traverser la petite route. Un cas de vaches ayant la priorité sur les voitures !

Sinon, la combe est sans intérêt majeur. Au bout, je savais que je devais rejoindre Fleurier, dans la vallée de l’Areuse, en choisissant entre une nationale sans efforts et une petite route traversant un col. Vu la longueur de l’étape et la crainte que le froid ne pèse sur mon énergie, j’ai pris la solution de facilité, avec une descente très longue et très raide jusqu’à la nationale. Elle n’était finalement pas trop passante, d’autant plus que j’ai trouvé assez vite le panneau d’un itinéraire de grande randonnée cycliste.

Un prospectus de l’auberge m’avait prévenu que ces itinéraires forment un réseau assez complet à travers la Suisse, et l’expérience m’a montré qu’ils sont effectivement très bien indiqués (comme on peut s’y attendre en Suisse) et qu’ils évitent les grandes routes… mais il faut s’avoir s’en affranchir à l’occasion car ils ont une fâcheuse tendance à prendre les petites routes les plus raides. Soit dit en passant, ce serait une idée facile à réaliser en France, où les petites routes ne manquent pas (Remarque de 2011: on commence effectivement à trouver les premiers itinéraires cyclotouristes en France, par exemple dans le Tarn et en Vendée – je ne parle pas des fameuses voies vertes qui sont autre chose).

Vallée de l'Areuse

J’ai pris une photo de la vallée de l’Areuse juste avant de prendre l’itinéraire cycliste; on voit bien les couches calcaires typiques du Jura. La combe où j’avais eu la neige était juste à gauche de cette grosse montagne, on voit pourquoi cela m’avait donné une si belle descente ensuite. Le temps restait très incertain, avec des grosses averses de temps en temps et des éclaircies timides, mais je suis curieusement parvenu à éviter le gros des averses ce jour-là.

J’ai admiré à Môtiers la propriété d’un marchand de vin installée dans un ancien couvent du 9ème siècle. Je ne peux pas dire que cela m’aie fait grand effet, il y a mieux ailleurs en ce qui concerne l’architecture carolingienne. Cela m’a simplement servi de prétexte pour pique-niquer sur la place de la gare. J’ai mieux aimé en repartant la grosse maison que j’ai prise en photo. Je ne sais pas si c’est un ancien bâtiment officiel ou une halle, c’est maintenant un restaurant.

Beau bâtiment à Môtiers

Les arcades sont très soignées, avec ces renflements et ces bordures colorées, et l’immense toit pentu sans mansardes laisse deviner une charpente impressionnante. Le propriétaire a même fait attention à utiliser des fenêtres à l’ancienne. Je n’ai pas regretté de pique-niquer au lieu d’aller au restaurant dans ce bâtiment: d’abord, comme toujours pendant ces voyages, je n’étais ni habillé pour le restaurant ni maître de mon temps à ce point après seulement trois heures sur les dix de la journée; et ensuite, j’appréciais trop le petit rayon de soleil pour m’enfermer à l’intérieur.

Après Môtiers, je suis passé à Fleurier, où j’ai longé un terrain de concours de saut hippique. C’était amusant, cela m’a fait penser au concours gagné par mon oncle à Rochefort il y a si longtemps; si je n’avais pas eu un si long trajet à parcourir, j’aurais aimé regarder un peu le concours. Je me suis rattrapé en accompagnant des amis à un tournoi à Göttingen deux mois plus tard, puisque leur fille était passionnée d’équitation (au point de faire du dressage, chose ennuyeuse s’il en est pour un observateur ignare comme moi).

Ensuite, il reste à traverser la petite ville industrielle, d’où l’on va voir la résurgence de l’Areuse. J’y étais passé en 1990, mais je n’en ai aucun souvenir précis… La section entre Fleurier et le Col des Etroits, une vingtaine de kilomètres, est la seule du voyage de cette année que je connaissais d’un voyage précédent. Mais j’ai utilisé le balisage cycliste et suis ainsi passé avant Buttes à proximité d’un champ où se tenait une fête villageoise.

Je me suis arrêté le temps d’admirer le concours de lutte, qui est finalement un peu décevant: d’une part, comme les concurrents sont en jeans, on ne se rend pas compte très bien de l’effort physique qu’ils fournissent (sans parler de l’esthétique différente selon que l’athlète est en jeans ou en petit short moulant). D’autre part, cela n’a ni la rapidité du judo, ni le symbolisme au ralenti du sumo. Je suis donc reparti assez vite.

J’ai abandonné ensuite l’itinéraire cyclable pour la route principale, plus facile et pas trop fréquentée malgré le dimanche de Pentecôte. Je me suis fait un peu attraper, comme d’ailleurs en 1990, on commence par une section plate et facile, puis la route devient tout d’un coup plutôt raide, mais sans que cela se voit dans le paysage. C’est un cas où l’on doit se concentrer sur ses jambes plutôt que sur ses yeux, et on n’a pas l’habitude quand on conduit une voiture. La pente raide ne dure d’ailleurs pas très longtemps, on remonte une petite gorge 1 km jusqu’à un pont et c’est à peu près fini.

Je me suis arrêté au pont pour reprendre ma respiration, mais c’était un peu démotivant de voir deux voitures d’Allemands arriver juste après. Les gens en sortaient en papotant pendant que j’étais tout rouge et essoufflé… Au demeurant, même si la gorge est mignonne, une photo ne se justifie pas. C’est la même chose au col proprement dit; le Col des Etroits est à 1153 mètres, mais on a peu de vue. On devine quelques sommets des Alpes, mais très cachés par les gros nuages en l’occurrence, et on replonge immédiatement ensuite dans une autre combe.

Versant sud du Col des Etroits

La vue en arrière depuis la combe vers le col est jolie, d’où la photo. On peut hésiter ici entre le Jura et les Pyrénées pour le relief, c’est la répartition de la végétation qui prouve que c’est vraiment le Jura. Et on reconnaît que c’est en Suisse aux murs fraîchement peints de la grosse maison. Les sommets dans le fond (la chaîne du Chasseron) montent à 1600 mètres, et la route que j’ai prise reste sur un plateau froid et terriblement venté jusqu’à la frontière. On traverse ensuite une station de sports d’hiver très tristounette (Les Fourgs), puis on descend une superbe pente vers la vallée du Doubs et la cluse de Pontarlier.

Cluse de Pontarlier - vue amont

Je ne peux pas dire que la dizaine de kilomètres sur la nationale du carrefour des Petits Fourgs à la cluse elle-même soient plaisants, il y avait une circulation considérable et les excursionnistes roulaient à tombeau ouvert sur une route qui n’est pas très large. J’aurais pu passer par un autre endroit, mais je trouvais dommage de ne pas admirer une des cluses les plus célèbres du Jura. La première photo montre la cluse vue d’amont, avec à gauche le fort de Joux, qui servit un temps de prison pour personnalités déchues (je crois même que Pétain y a séjourné, mais je ne suis pas sûr).

A droite, on voit un autre fort nettement plus haut et d’usage certainement plus militaire. On peut y monter par un escalier, mais il y a une pancarte en bas pour prévenir les gens que l’ascension est raide et fatigante ! En tous cas, les plis calcaires forment un superbe cours de géologie, surtout vus de loin. A remarquer en passant: le joli nom du hameau (La Gauffre, un bon complément après les Petits Fourgs).

Cluse de Pontarlier - vue aval

L’autre photo est prise de l’aval; elle est moins spectaculaire, mais encore plus convaincante pour la géologie, et le soleil avait disparu à nouveau, ce qui fait que le calcaire est moins éblouissant.

La petite rivière sur la photo est le Doubs, et il me suffisait de le remonter sur 40 km jusqu’à la source puisque celle-ci est justement à Mouthe. J’aurais bien aimé m’arrêter pour manger quelque chose, mais je n’avais pas pu avant la cluse à cause de la nationale et je n’ai pas trouvé de coin pratique ensuite le long de la rivière, il y a une piste cyclable parfaite le long de la route assez fréquentée, mais on longe une forêt trop raide pour s’y asseoir agréablement.

Finalement, j’ai été obligé de continuer jusqu’au village suivant (Oye-et-Pallet), où j’ai trouvé une prairie entre deux bras de la rivière. L’herbe n’est pas coupée dans la prairie, en dehors d’un petit sentier qui accède à une vanne, mais il y a des bancs et on est au milieu d’une marée de fleurs sauvages. Je reviendrai sur les fleurs, le Jura est la plus belle région de France pour les fleurs des champs.

J’ai pique-niqué au calme avec le ruissellement de la rivière, en regardant les promeneurs assez nombreux: des pêcheurs en cuissardes qui arpentaient la portion assez profonde en amont de la vanne, des jeunes qui traversaient le barrage de la vanne en baskets (il faut supposer que ce n’était qu’un fin film d’eau), un couple promenant son chien. Il faisait même beau, c’est là que je me suis vraiment senti en vacances.

Je n’ai fait que deux arrêts dans la journée, idée pas très intelligente que je dois à ma propre stupidité, ayant oublié de régler mon compteur horaire à l’heure d’été (et pourtant, j’avais aussi ma montre, mais j’ai préféré pêcher par prudence qu’arriver trop tard à l’hôtel). D’un autre côté, les routes que j’ai empruntées ce premier jour m’ont souvent paru peu pratiques pour faire des arrêts, cela arrive dans certaines régions.

Lac de Saint-Point

Je suis reparti en quittant la route principale; j’ai ainsi raté la Source Bleue, une résurgence recommandée par les guides, mais je pense l’avoir vue lors d’une excursion en voiture il y a des années et elle ne m’avait pas paru à l’époque justifier une photo, je n’ai donc probablement pas raté grand chose. En échange, j’ai eu une petite route tranquille car terriblement tortueuse qui longe la rive Nord du Lac de Saint Point. Elle ondule agréablement et le paysage est harmonieux, j’ai pris la photo un peu après le hameau au nom charmant de Port-Titi.

Le lac est en partie artificiel (il y a un barrage), on le longe pendant environ 20 km. Même avec les nuages, c’est plaisant. Il y a un deuxième lac plus petit juste en amont, naturel cette fois, le Lac de Remoray. Comme il y a une grande roselière sur une rive, c’est une réserve naturelle, mais ma petite route restait trop loin à flanc de colline pour apercevoir des oiseaux intéressants.

La route principale monte directement à Mouthe par une petite gorge, tandis que ma petite route, à peine plus longue, quitte la vallée pour un vrai petit col. Je me suis senti très fatigué dans la montée, en partie parce qu’il faisait un peu plus chaud, mais probablement surtout parce que la journée était franchement longue pour une première étape. En plus, je me rendais inutilement nerveux moi-même en pensant à l’heure prétendument avancée et à la crête qu’il me semblait devoir monter juste avant Mouthe.

Finalement, j’ai été très soulagé en arrivant au petit col de Rondefontaine, où il n’y a malheureusement pas de fontaine. Ensuite, on descend plaisamment dans les prairies fleuries, puis on atteint le carrefour au pied de la dernière crête à franchir. La route s’y dirige tout droit et je me suis demandé où était le virage marquant le début de la côte. On atteint un petit creux entre deux modestes collines au pied des sapins, on tourne raide à gauche derrière la petite colline… et la route descend !

J’ai trouvé ça très inquiétant, mais c’est effectivement une petite vallée transversale qui traverse la crête et descend sur Mouthe. Cette grande descente de 3 km à la fin de la journée, avec pour couronnement un panorama sur Mouthe et la large combe du Haut Doubs, était divine. Un des plus beaux moments de tout le voyage. J’ai hésité à m’installer à l’hôtel, mais mon compteur marquait 18 h 45 et la célèbre Source du Doubs n’est qu’à 3 km de Mouthe, ce qui fait que j’ai décidé d’y aller, en me disant que je n’y resterais pas longtemps afin de revenir à l’hôtel pas trop tard.

Source du Doubs

L’aller à travers les prairies ètait parfait, poussé par le vent, et j’ai traversé le parking payant sans m’arrêter. J’ai juste poussé le vélo sur les derniers 500 m, à cause des nombreux visiteurs. Finalement, ils étaient en train de partir et j’ai pu admirer sans avoir à m’inquiéter outre mesure des bagages et du vélo. La première photo avec la dame en ciré est un peu malheureuse, mais je pensais donner une meilleure idée des proportions.

Résurgence du Doubs près de Mouthe

La deuxième photo est évidemment plus sauvage. On voit que le Doubs est un beau torrent, et cette ouverture béante dans la montagne fait un peu rêver aux mystères à l’intérieur. Si j’ai bonne mémoire, la résurgence ne peut pas être explorée à cause du courant trop fort dans les siphons. Je suis resté un bon quart d’heure à regarder le torrent cascader. Comme on le verra, j’ai bien fait de visiter la Source du Doubs avant les autres résurgences, mais ce serait dommage d’en dire plus dès maintenant.

Je suis revenu à l’hôtel contre un vent très violent, mais qui avait écarté les nuages -on ne peut pas tout avoir. Le jeune homme de la réception avait bien noté ma réservation et ne semblait guère s’inquiéter de l’heure, c’est là que j’ai découvert en me retournant vers le clocher de l’église qu’il était 19 h et non 20 h… Il y a un grand garage pour les vélos, l’hôtel a visiblement l’habitude et le gérant a un beau vélo de course. Ma chambre était un peu petite, mais la douche fonctionnait bien, le matelas était assez ferme et il y avait une télévision et un téléphone, ce qui était vraiment bien vu le prix de l’étape (250 FF en demi-pension).

Je suis descendu assez vite pour le dîner, dans une salle à manger absolument magnifique bien que d’un style assez particulier. En attendant les plats, j’ai admiré les murs et le plafond tendus d’un étrange papier peint imitant le cuir, les lampes de marine inattendues, les vitraux vaguement 1910 et les très belles boiseries ornées d’urnes cachant les radiateurs. Le prospectus dit que c’est l’ancienne maison communale datant de 1791, et je suppose que la salle à manger doit son décor impressionnant à son ancienne fonction de salle des réunions de la mairie.

En plus du décor intéressant et de la chambre correcte, j’ai eu un des meilleurs repas du voyage: en entrée, un délicieux vol-au-vent aux champignons et à la crème fraîche. Et pas uniquement des champignons de Paris, même si je sais bien qu’on trouve maintenant des conserves de champignons mélangés – j’en ai acheté une fois, et c’est bon, mais un peu mollasson et je ne sais pas comment le cuisinier avait fait pour les rendre fermes. Sa crème était divine, même si elle s’est avérée pasteurisée quand j’ai demandé.

Le plat principal ne présentait pas très bien, mais était très correct, un rôti de porc farci à la saucisse de Morteau. J’ai appris plus tard comment cuire la saucisse de Morteau, c’est assez compliqué, je suppose qu’il farcit son rôti de saucisse précuite. Dommage d’avoir accompagné le rôti de pâtes, c’était très bien pour mes hydrates de carbone, mais je ne suis pas très amateur. Le dessert était plus banal, une glace.

Je me suis offert du vin, un délicieux vin d’Arbois fruité. J’ai bu d’autres vins de la région plus tard, puisque la plupart des restaurants offrent enfin de nos jours des pichets de 25cl même pour des vins de qualité, mais le vin d’Arbois est resté le meilleur et même pas le plus cher.

J’ai aussi passé une partie du repas à regarder le serveur, puisqu’il était blond et mince, mais j’ai abandonné quand une jeune fille est venue lui tenir la main entre deux plats avec une expression enamourée. De toute façon, j’avais fait assez de sport par le temps assez frais pour dormir vite et bien.

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