Etape 9: Petite Camargue et Littoral

(9ème étape d’un voyage cyclotouriste de Toulouse à Nice en mai et juin 2013)

Mercredi 22 mai

93 km

Dénivelé 165 m

Très beau temps avec mistral 25°

Nîmes – Générac – Saint Gilles – Mas des Iscles – Le Grau du Roi – Carnon Plage – Cabanes de Pérols

Petite Camargue et littoral, départements 30 et 34

Journée qui ne m’apportait rien en termes de se diriger vers Nice, mais que j’ai ajoutée parce que c’était ma seule chance de passer en Camargue et pour le plaisir de la statistique (arrondissement de Montpellier). J’ai eu ici aussi de la chance avec le temps, car la chaleur aurait été insupportable sans le mistral froid et violent.

Le mistral m’a un peu gêné ici et là mais je l’avais rarement contre moi. Je pense que c’est une règle à respecter par les cyclotouristes: si on va du Nord au Sud, on peut très bien longer le Rhône. En sens inverse, il faut passer par l’Ardèche ou la Durance. Le mistral soufflant plus de 100 jours par an à Nîmes, le risque est tout simplement trop grand.

Comme je voulais vérifier les horaires de trains parce que je savais que je ne pouvais pas faire en une journée l’aller-et-retour à Montpellier, j’ai commencé par me diriger vers la gare. Il n’est pas facile de se repérer à vélo dans Nîmes, les pancartes essayant toutes de diriger les automobilistes vers l’autoroute la plus proche, mais je savais trouver le centre grâce à la promenade de la veille.

Grande fontaine de Nîmes

Grande fontaine de Nîmes

J’ai pris une photo du jet d’eau au passage parce que je trouve intéressant de comparer la vue de nuit et celle de jour. Je suis ensuite passé devant un centre culturel construit par le bureau d’architecture du célèbre Norman Foster, mais je trouve que la production de son bureau n’a rien d’extraordinaire. Cela flatte l’ego des maires concernés mais n’atteint pas l’effet « carte postale » du musée de Bilbao qui fait rêver tous les offices de tourisme d’Europe. En l’occurrence, le bâtiment a remplacé le théâtre municipal qui avait brûlé en 1952.

Arènes romaines de Nîmes

Arènes romaines de Nîmes

En allant vers la gare, je suis par contre passé devant un bâtiment ancien vraiment intéressant. Au passage, j’ai noté que c’est dans ce quartier que se trouvent les restaurants. Les arènes romaines sont magnifiques et sont d’autant plus impressionnantes qu’elles sont bien dégagées des constructions environnantes (au contraire de celles d’Arles, les seules en France qui soient comparables). Elles servent toujours à des combats, plus exactement à la Feria qui est un festival de corridas.

Les arcades sont pratiquement dégagées sur presque tous les côtés mais on ne voit quand même pas à l’intérieur. Au début du Moyen-Âge, une série d’invasions et de pillages (Sarrasins, Visigoths, Francs, Vikings…) avait conduit à transformer les arènes en forteresse où la noblesse s’était réfugiée. Elle fut abandonnée après la conquête française.

Statue aux quatre fleuves

Statue aux quatre fleuves

Je me suis encore donné la peine de photographier une grande fontaine située devant la Préfecture parce que le sujet est intéressant. Elle représente les quatre fleuves de Nîmes, le Rhône, le Gardon, la Fontaine d’Eure (qui alimentait l’aqueduc romain) et la Fontaine de Nîmes. Je ne sais pas si le Rhône se trouve vexé d’être mis sur un point d’égalité avec les autres…La fontaine date de 1851.

On a aménagé récemment une superbe allée piétonne entre les arènes et la gare, avec des caniveaux en pente avec de l’eau courante et des arbres. C’est un bon exemple de reprise de techniques arabes anciennes pour apporter un peu de fraîcheur dans une ville moderne. L’avenue est envahie de promeneurs et je suppose que certains milieux se plaignent de la proportion importante de familles « issues de l’immigration ». Comme les gares sont un des rares endroits où les gens riches côtoient les gens pauvres par la force des choses, je trouve que critiquer ces rencontres revient à souhaiter des ghettos. Il n’y a que la mendicité que je trouve déplaisante quand il y en a.

J’ai trouvé les horaires de trains nécessaires à la gare et je me suis demandé un instant si je devrais prendre le train pour Le Grau-du-Roi et revenir en vélo parce qu’il y a un billet « spécial plage » au prix battant toute concurrence de 1€. Le trajet aurait toutefois été un peu court pour une excursion d’une journée et j’aurais surtout combattu le mistral, ce qui m’a fait renoncer. Je suis rentré le soir de Pérols pour 11 € pour presque la même distance…

La gare de Nîmes est l’une des très rares gares de France qui sont situées entièrement en viaduc. Le terrain ne l’impose pas et le viaduc est long de 2 km. A l’origine, les arcades devaient permettre de mieux garder le lien entre la ville et les champs tout en laissant passer les torrents en cas de grosse pluie. On a bloqué les arcades plus tard en les louant à des ateliers et à des garages, ce qui a conduit en 1988 à une inondation dramatique car les eaux ne parvenaient pas à s’écouler à travers les arches.

Depuis la gare, j’avais déterminé d’après ma carte que le plus simple serait de longer la voie ferrée jusqu’à la route de l’aéroport. J’ai eu pas mal de peine à me repérer dans la banlieue pleine de bâtiments anonymes contenant des hangars et des bureaux car il fallait que je trouve la seule route non munie d’un échangeur autoroutier. Par contre, dès que l’on passe l’autoroute, on est en pleine campagne.

J’ai trouvé au niveau d’un petit pont un stand de fruits sous les arbres et j’y ai acheté des cerises d’ailleurs pas fabuleuses. C’était encore le tout début de saison vu le printemps frais. Le vendeur n’avait pas l’air très motivé et m’a dit quand j’ai essayé de parler des récoltes que cela ne l’intéressait pas beaucoup car il vendait pour le compte de quelqu’un d’autre.

Il y a énormément de stands de fruits et légumes au bord des routes principales dans la région, ce qui est assez logique vu l’importance du maraîchage. Mais ils se répandent aussi dans d’autres régions à population dense comme le Nord. Je me demande qui sont les vendeurs: des personnes employées en CDD par les maraîchers pour la saison ? Des petits entrepreneurs plus ou moins légaux qui revendent de la marchandise achetée chez Carrefour ? Des vendeurs payés par des grossistes pour écouler une partie des stocks ? Ce sont en tous cas rarement des producteurs qui n’ont pas le temps de faire le planton au bord des routes et qui ne roulent pas en Clio et en Saxo.

Château de Générac

Château de Générac

Après quelques kilomètres de vignes ennuyeuses, je suis passé à Générac, un village en pente au bord de la chaîne de collines qui sépare Nîmes du Rhône (les « Costières du Gard » connues en tant que zone viticole). Au-dessus du centre ville, je suis passé devant l’ancien château fort qui est assez austère. Bien que construit à l’origine vers 1100, il n’a pas d’apparence très guerrière et servait probablement surtout à surveiller les routes et à encaisser les péages. Les fenêtres classiques datent de 1585.

Après la seule côte de la journée, je suis arrivé au sommet des Costières du Gard. J’avais dû monter plus que je ne le pensais car elles culminent à 146m. Je m’en suis aperçu en descendant dans le maquis de l’autre côté car la descente dure incroyablement longtemps, presque jusqu’à l’entrée de Saint-Gilles qui était le port de Nîmes.

C’était aussi un bourg produisant un vin très apprécié au Moyen-Âge et dont les papes d’Avignon se servaient comme vin de messe. Il était fait à partir du mourvèdre, cépage raffiné mais délicat qui passa de mode en Languedoc quand on préféra produire des grandes quantités de piquette au 19ème siècle.

Façade de l'abbatiale à Saint-Gilles

Façade de l’abbatiale à Saint-Gilles

La grande gloire de Saint-Gilles est son abbatiale construite sur le tombeau d’un saint ermite. L’église actuelle date du 12ème siècle mais une grande partie a été refaite après les guerres de religion et la façade est la seule partie vraiment intéressante. On peut visiter librement l’église mais pas la crypte pour laquelle un dragon particulièrement attentif fait la chasse aux touristes resquilleurs dès qu’ils s’approchent à moins de 10 mètres de l’escalier.

La dame m’a fait penser à la « sœur Marie-Angélique » qui terrorise les pensionnats dans les romans du XIXème siècle, bien que ce soit ici une laïque. Il est difficile de se recueillir quand une grosse voix autoritaire rappelle toutes les deux minutes à quelqu’un qu’il n’a pas encore acheté son billet. Je ne sais pas si la crypte mérite un tel gardiennage malgré une fresque médiévale.

Détail dans la tradition romaine

Détail dans la tradition romaine

La façade par contre est magnifique et on peut l’admirer tranquillement. On voit immédiatement l’influence des ruines romaines car le décor ne ressemble vraiment pas aux abbatiales clunisiennes usuelles. Colonnes, cannelures, frises, chapiteaux, niches encadrant les statues de saints, décor de la corniche, tout rappelle le décor romain. La répartition en trois portails, le Christ bénissant dans la mandorle et les plis des vêtements des saints sont l’apport vraiment roman.

Sculptures à Saint- Gilles

Sculptures à Saint- Gilles

Sur une de mes photos, on voit au tympan la forme ondulante d’un saint habillé d’une robe décorée de petits points. Ceci me fait penser aux vêtements des empereurs byzantins, ce qui n’aurait rien de surprenant dans un grand port à l’époque des Croisades. Une autre photo montre la frise d’animaux à la base des colonnes. Ils sont très vivants et bien proportionnés, visiblement une référence romaine car l’art roman n’atteint jamais un tel réalisme ailleurs en France.

Après avoir admiré le portail, je suis allé voir le chevet de l’église, mais il n’existe plus et on peut parcourir une ruelle entre le mur qui ferme maintenant la nef et les soubassements de l’ancien chœur qui forment un genre de square lapidaire. On ne peut pas y accéder de près car ce square contient aussi une petite tour célèbre pour son escalier hélicoïdal.

Les compagnons tailleurs de pierre s’y rendent en pèlerinage pour admirer la voûte lisse de cet escalier, faite de pierres disposées en long et donc sans appui. Je dis cela sur la base d’une photo sur Internet car le dragon de la crypte a une associée qui surveille le square lapidaire.

Abbatiale mis à part, Saint-Gilles est un bourg assez particulier. On y voit une proportion très étonnante de personnes issues de l’immigration (marocaines mais pas seulement), ce qui s’explique par le fait que ce sont les familles des ouvriers agricoles de la région. Ce fut la première ville de France gouvernée par le Front National en 1989, mais les partisans d’un humanisme éclairé apprendront avec plaisir que la ville choisit plus tard un maire sans étiquette et que c’est maintenant un maire de gauche élu contre trois listes de droite incapables de se mettre d’accord.

On voit aussi un grand nombre d’étrangers d’un autre genre, des touristes comme moi. Ils viennent en voiture depuis leurs gîtes en Provence, leurs campings sur la côte ou leurs masures retapées en Ardèche et parlent allemand, néerlandais ou anglais. On les reconnaît aussi à leur habillement assez différent selon la nationalité (les Allemands sont en sandales, les Hollandais en flip-flop).

Il y en a aussi un certain nombre à vélo et ceux-là consultent presque tous un guide en allemand, probablement sur « le Rhône de Genève à la mer ». Les Allemands d’un certain âge raffolent en effet des itinéraires cyclables le long de grands fleuves. J’ai fait un petit tour dans la vieille ville de Saint-Gilles mais les quelques maisons anciennes ne sont pas très photogéniques. Il y en a juste une qui est médiévale et qui abrite le musée.

Depuis Saint-Gilles, je n’ai pas suivi l’itinéraire classique vers l’embouchure du Rhône aux Saintes-Maries-de-la-Mer. C’était tentant mais cela m’aurait pris tellement de temps que je n’aurais pas pu longer un peu la côte comme j’en avais envie. J’ai donc suivi la petite route qui longe la rive droite du Petit Rhône. Elle est constamment en-dessous de la digue dans les champs et j’ai fini par monter une fois sur la digue pour voir mais le fleuve n’est vraiment pas spectaculaire.

Canal du Rhône à Sète

Canal du Rhône à Sète

On arrive ainsi à une écluse qui marque le confluent du Rhône avec le canal du Rhône à Sète. On voit sur la photo que le paysage doit être fort monotone depuis un bateau. Côté Rhône, je ne pouvais pas prendre la photo car il y avait trop de vent sur le pont. A partir de l’écluse, je me trouvais en Petite Camargue qui comporte des marécages, des étangs et des roselières comme la Grande Camargue.

Mais on voit très peu de tout cela car la route circule presque en permanence entre des rizières. On les reconnaît aux brins de céréales verdoyants qui poussent dans des étangs gentiment rectangulaires et ce n’est pas photogénique. Je ne me suis pas plaint car le vent me poussait très bien sur les premiers 10 km. Il soufflait de côté ensuite pendant 6 km, mais il y avait une rangée d’arbustes du bon côté de la route et l’effort était raisonnable.

C’est dans cette section que je suis passé devant la seule section vraiment camargaise, une ferme élevant des petits taureaux noirs qui avaient la bonté de rester pas trop loin du fil de fer et que je voyais donc bien. La ferme a aussi quelques chevaux blancs traditionnels pour la décoration tandis que les taurillons sont élevés pour la viande – ne serait-ce que pour le plat traditionnel des restaurants à touristes de la région, les testicules de taureau.

Nid de cigognes au Mas des Iscles

Nid de cigognes au Mas des Iscles

Au niveau de la ferme, j’ai aussi été touché par la vision d’un nid de cigognes sur une vieille tour. Je ne pouvais pas prendre la photo de plus près mais on a une idée. Cela faisait des années que je n’avais pas vu un nid de cigognes pendant mes voyages même si je sais bien qu’il y en a en Alsace.

Après 5 nouveaux kilomètres avec le vent dans le dos, j’ai rejoint la route très large qui relie Arles à Aigues-Mortes et j’ai été obligé de combattre le mistral pendant 13 km. J’ai fait une petite pause au milieu au seul endroit où l’on trouve un petit bois; il appartenait au manoir de Montcalm. Le village fut fondé en 1882 par le propriétaire des distilleries Noilly-Prat (vermouth et absinthe) car le sol sablonneux protégeait les vignes du phylloxéra. Le château est maintenant une ruine derrière des murs mais les arbres plantés ont survécu.

Entre Montcalm et Aigues-Mortes, on circule pendant 8 km sans interruption entre des caveaux de dégustation, des vignobles, des stands de vente de vin, des entrepôts à vin et des baraques pour touristes amateurs de vins. C’est stupéfiant dans une telle concentration et ceci illustre une intéressante aventure de marketing: la Compagnie des Salins du Midi à la recherche d’une diversification planta des vignes en appelant le produit « vin des sables ». Il est aussi connu sous la marque de revente des Salins, le Listel, même si le nom officiel est depuis 2011 « Sables-de-Camargue ».

J’étais fatigué par le long trajet depuis Saint-Gilles et surtout par la lutte contre le vent sur une route très fréquentée et assez urbanisée depuis Montcalm, ce qui fait que j’ai cherché un lieu de pique-nique dès que j’ai atteint le canal du Rhône à Sète. Je ne voulais pas m’asseoir directement au bord du canal qui est en plein soleil et en plein vent, mais il y a une petite pinède à peu près propre au carrefour de deux routes au bord du canal. Le vent était si fort que j’ai mis un blouson pour déjeuner.

Canal du Rhône à Sète

Canal du Rhône à Sète

J’hésitais beaucoup à traverser le canal avec le vélo pour aller voir la Tour Carbonnière qui est de l’autre côté parce que les cyclistes qui passaient le pont semblaient prêt de tomber avec les rafales. D’un autre côté, il y a beaucoup moins de voitures sur cette route que sur celle d’Arles que je venais de prendre et ce n’était donc pas trop dangereux. J’ai pris une photo du haut du pont pour montrer le paysage remarquablement plat. On voit à droite la route que j’avais trouvé si fatigante avec une circulation considérable et même un bout de la pinède.

Tour Carbonnière

Tour Carbonnière

On voit bien du pont la Tour Carbonnière et je suis très content d’y être allé car c’est le seul endroit sur mon trajet où l’on traverse une section de marais camargais naturel. En plus, on peut admirer les formes bien propres de la tour et on peut même monter à l’intérieur gratuitement. C’était une tour de guet où l’on percevait le péage pour accéder au grand port d’Aigues-Mortes.

Exemple de marais de Camargue

Exemple de marais de Camargue

La salle unique est nue mais restaurée avec soin. Une famille anglaise visitait en même temps que moi et les deux enfants n’étaient pas convaincus que la tour soit aussi intéressante que mon vélo. Ce que j’ai trouvé le plus intéressant, c’est le marais, mais il vaut sûrement mieux l’éviter au coucher du soleil vu les insectes.

J’ai traversé à nouveau le pont venté et je me suis retrouvé à Aigues-Mortes qui ne correspond pas du tout à ce que j’imaginais. Certes, les remparts sont comme je les avais vu en photo. Mais l’agitation inimaginable avec des centaines de voitures essayant d’entrer dans les parkings bondés et les innombrables familles de touristes étrangers faisant presque la queue pour entrer dans la ville m’ont un peu choqué.

J’ai trouvé à Aigues-Mortes les excès du tourisme que j’attendais à Carcassonne mais auxquels j’avais échappé grâce à l’heure matinale et au temps plus médiocre. C’est d’ailleurs le seul endroit où j’ai eu cette impression d’un raz-de-marée de touristes alors que je suis passé plus tard pendant le voyage à Aix-en-Provence et sur la Côte d’Azur.

Remparts d'Aigues-Mortes

Remparts d’Aigues-Mortes

Ceci dit, Aigues-Mortes est évidemment un très bel ensemble urbain avec une muraille rectangulaire entièrement intacte. Comme le disent les guides très justement, la meilleure vue est celle depuis le sud parce qu’on a le soleil du bon côté pour les photos et parce qu’il n’y a pas de constructions ou de voitures devant les murailles. Le côté ouest donne sur la route et le canal et le côté nord donne sur un parking ombragé, ce qui fait que les arbres cachent la vue. Reste le côté est qui est plus facile d’accès que le côté sud et où il n’y avait pas trop de voitures gâchant la vue.

La muraille date de Saint Louis, qui acheta la ville en 1240 à une abbaye locale parce qu’il voulait un port sans passer sur des territoires étrangers (Provence ou Languedoc toulousain). Il n’en eut pas besoin très longtemps puisque ses troupes conquirent le Languedoc vingt ans après, mais cela restait le port le plus proche de Paris et c’est donc là qu’il embarqua pour les croisades.

Château d'Aigues-Mortes

Château d’Aigues-Mortes

En plus de la muraille, il y avait évidemment un certain nombre de tours et elles sont amusantes à comparer à Carcassonne car elles n’ont pas ici de toits pointus en ardoise. Au coin nord-ouest, Saint Louis fit construire une petite citadelle pour servir de caserne. J’ai pris la photo avec le bâtiment dominant le fossé car c’est une vue inhabituelle pour Aigues-Mortes. On y visite maintenant une exposition historique avant de visiter la tour Constance, un genre de donjon cylindrique. Curieusement, il est séparé de la muraille au milieu des douves, peut-être parce qu’il repose sur les fondations d’une tour carolingienne.

Tour Constance

Tour Constance

La tour servit de prison pour des femmes protestantes au 18ème siècle comme des sœurs de pasteurs. Certaines y passèrent 40 ans et elles furent délivrées en 1767 grâce à un mouvement de bonté du commandant local qui demanda au gouverneur du Languedoc de venir visiter la prison afin de lui montrer qu’il était temps d’agir. C’est donc un haut-lieu protestant plus qu’un souvenir de Saint Louis.

Place de la mairie à Aigues-Mortes

Place de la mairie à Aigues-Mortes

A l’intérieur des murailles, la petite ville est étonnamment aérée, avec des rues assez larges entre des maisons assez basses. C’est rare pour un bourg du Midi. La place de la mairie est particulièrement spacieuse avec de superbes palmiers. Cela manque d’ombre mais il y a une atmosphère élégante qui surprend. On ne voit personne sur ma photo et c’est un phénomène touristique frappant: alors qu’une placette voisine munie de cafés à terrasses est noire de monde, cette grande place élégante est vide.

Les touristes se concentrent pratiquement tous sur une seule rue qui relie le portail de la ville à la placette avec les cafés. Le long de cette rue, il y a environ quinze magasins de souvenirs par mètre carré vendant tous les mêmes tissus provençaux fabriqués en Chine. Il y a aussi plusieurs glaciers (en fait, deux seulement, mais avec plusieurs succursales). J’ai fini par me laisser tenter pour me récompenser d’avoir affronté la foule.

Ancien front de mer à Aigues-Mortes

Ancien front de mer à Aigues-Mortes

En sortant d’Aigues-Mortes, je suis passé devant la petite gare pittoresque au bord du canal puis j’ai admiré la vue classique des remparts depuis le sud. On ne les voit pas parfaitement de la route car il y a des entrepôts à l’endroit où le recul serait le plus adapté.

Salins de Giraud

Salins de Giraud

Il y a aussi un pont sur un étier et on voit de là les entrepôts des Salins du Midi. On peut visiter un centre d’information qui m’aurait amusé si j’avais été en voiture et on voit bien depuis le pont quelques salines avec une couleur violacée étrange. Je pense que c’est normal car j’avais remarqué en Nouvelle-Zélande des salines avec exactement la même couleur étrange. Je me demande si celles de Guérande sont pareilles. Malheureusement, on voit bien la montagne de sel sur ma photo mais pas tellement la couleur de la saline.

Plage du Grau du Roi

Plage du Grau du Roi

Il suffit de quelques kilomètres pour aller d’Aigues-Mortes au bord de la mer au Grau-du-Roi. D’ailleurs, sous Saint Louis, la côte était au Grau et on avait creusé un canal pour que les navires accèdent au port. Parler d’un port ensablé est donc une erreur, d’autant plus qu’il aurait été idiot de faire mouiller des navires le long d’une côte plate sablonneuse où ils auraient été très exposés aux coups de vent éventuels (voire à des attaques gênoises).

Le Grau-du-Roi avait une atmosphère reposante après Aigues-Mortes, celle d’une station de vacances hors saison. Il faisait très beau si l’on ignore le vent (et même chaud au soleil), ce qui fait que les gens se promenaient, mais il n’y avait aucune trace des foules estivales. Comme dans beaucoup de stations languedociennes, les bâtiments dépassent rarement deux étages.

Il y a une station moderne plus laide avec beaucoup de béton d’un blanc aveuglant plus loin sur la côte (Port-Camargue), mais elle est suffisamment loin pour qu’on puisse l’ignorer et apprécier l’atmosphère. Une de mes photos montre la mer, que j’étais fier d’avoir enfin atteinte. Les collines sombres au fond sont celles de Frontignan qui est à 30 km et expliquent un peu mieux pourquoi l’on parle de « golfe » du Lion. La pyramide dans le lointain plus à gauche est le Mont Saint-Clair à Sète.

Navire sortant du port du Grau-du-Roi

Navire sortant du port du Grau-du-Roi

Une fois arrivé au Grau-du-Roi, j’avais le choix entre revenir à Nîmes directement, soit en train soit en vélo, mais j’ai raté le train de 10 minutes et revenir en vélo était beaucoup moins tentant à cause du mistral. L’alternative était de longer la côte et je pensais avoir le temps d’atteindre Carnon-Plage puis Montpellier où je savais trouver un train pour Nîmes au moins une fois par heure.

La distance ne me semblait pas considérable avec 28 km soit 2 heures de route et il n’était que 16 h 15. En fait, je faisais une erreur d’estimation car j’oubliais ainsi les 45 minutes de train dans mon compte, mais je ne m’en suis vraiment pas aperçu sur le moment et j’étais très motivé par l’idée de pénétrer dans l’arrondissement de Montpellier – et de longer la mer un peu.

Malheureusement, ce n’est pas vraiment simple de longer la mer. On peut rouler dans certaines limites sur la promenade piétonne du front de mer, quoique ce soit un peu désagréable avec les tomettes en béton et divers obstacles. Il faut aussi rouler prudemment pour ne pas rentrer dans les promeneurs et surtout leurs chiens, car ils ont légitimement priorité.

Etang du Ponant

Etang du Ponant

J’ai fini par alterner entre le front de mer et la route qui circule derrière les appartements et maisonnettes selon que j’en avais assez ou pas de freiner tous les 50 m. On quitte le département du Gard au niveau d’un étang et on entre à La Grande-Motte, un endroit qui polarise les opinions de façon étonnante. Je suis content d’avoir pu me faire ma propre opinion.

La création des stations balnéaires du Languedoc (ceci vaut entre autres aussi pour Port-Camargue, Gruissan et Le Barcarès, y compris des stations naturistes qui surprennent un peu vu l’opinion des hommes politiques français de l’époque sur la question avant mai 1968) est une idée de l’entourage du Général de Gaulle qui avait demandé que l’on trouve enfin une méthode pour éviter que les touristes français n’affaiblissent la glorieuse monnaie nationale en passant leurs vacances en Espagne. On voulait aussi créer des emplois pour les Français qui avaient été obligés de fuir l’Algérie. Tout fut piloté de Paris et la station ouvrit en 1968 après trois ans seulement de travaux. Tout n’était évidemment pas terminé, les derniers grands bâtiments furent achevés vers 1980.

Contrairement à presque toutes les stations balnéaires françaises qui ressemblent à des marées de petits pavillons plus ou moins individuels, on décida de construire La Grande-Motte comme un nouveau Benidorm sous forme de grandes tours. On pensait probablement créer ainsi un sentiment plus urbain et il faut reconnaître qu’il y a 8.000 habitants à l’année alors qu’il n’y en a presque aucun au Cap d’Agde ou à Port-Leucate où il n’y a que des appartements de vacances.

Il ne faut pas critiquer l’architecte pour les tours qui faisaient partie de ses instructions, mais on peut sourire sur ses choix décoratifs. Une partie des tours est de forme plutôt triangulaire, inspirée vaguement des pyramides mayas -ce sont les tours viriles- et les autres ont des formes volupteuses et arrondies -ce sont les tours féminines. Les deux catégories sont séparées strictement par le centre ville et par le port de plaisance.

La circulation se fait en partie sur un genre de périphérique qui disparaît assez bien dans la pinède qui a poussé avec le temps. Malheureusement, quelques grandes avenues dignes d’un centre ville américain encerclent le port et coupent le centre des endroits de promenade, ce qui est idiot d’un point de vue contemporain.

Par contre, la plupart des bâtiments publics comme l’église et l’hôtel de ville sont rassemblés dans une pinède au centre où l’on circule facilement et agréablement à pied. La ville ayant des résidents aisés (beaucoup de retraités), elle peut embellir ce centre avec des fleurs et des arbustes variés. Il faudrait simplement refaire les passages car les plaques de béton disjointes commencent à devenir gênantes.

Célèbres immeubles de La Grande-Motte

Célèbres immeubles de La Grande-Motte

A vélo, l’impression est très curieuse. En venant du Grau-du-Roi, on arrive très vite à l’arrière d’immeubles assez hauts et on est incité à suivre une piste cyclable (malheureusement pas indiquée, ce qui fait que les rares personnes qui y circulent en vélo sans connaître l’endroit -comme moi- hésitent aux carrefours). Celle-ci rejoint par un cheminement surprenant et habile le centre ville sans rencontrer de route dangereuse et en restant presque en permanence sous les pins. J’ai trouvé ceci tout-à-fait remarquable.

Côté Carnon (au sud), je n’ai pas essayé de trouver un chemin comparable et je pense d’ailleurs qu’il y a moins de sections de pinède ombragée. J’ai longé la mer sur une bonne piste goudronnée qui sert toutefois aussi de promenade normale et où il faut donc rouler lentement et prudemment. On ne voit d’ailleurs pas souvent la mer car il y a une petite dune tout du long. Au total, j’ai trouvé la première section jusqu’au centre très sympathique et la seconde très acceptable bien que très exposée au soleil.

Immeuble "féminin"

Immeuble « féminin »

Je n’ai pas tellement vu les tours « viriles » car j’étais dans la pinède (il y a juste une photo prise depuis le port de plaisance), mais j’ai assez bien vu les tours « sensuelles » plus dégagées. Les formes sont très amusantes, très variées, et c’est finalement une très bonne idée à deux conditions: suffisamment de dégagement autour de chaque immeuble et pas plus haut que 10 étages. Je ne sais pas comment c’est à l’intérieur; avec les formes organiques, il y a des surfaces importantes de murs exposés au soleil et il faudrait voir si l’isolation fonctionne bien. Il faudrait aussi améliorer les ombrages dans la section sud.

Palais des Congrès

Palais des Congrès

J’ai aussi repéré les deux bâtiments publics considérés comme vraiment intéressants même si je les ai découverts un peu par hasard faute de connaître -et faute de les voir sur un plan de ville puisqu’il n’y en a plus de nos jours. J’ai ignoré la mairie qui date de 1982 mais qui n’a pas été construite par l’architecte d’origine de la station (Jean Balladur) et qui est assez anguleuse. Par contre, le palais des congrès avec son entrée amusante toute en ellipses vaut un arrêt.

Eglise de La Grande-Motte

Eglise de La Grande-Motte

L’église construite en 1975 répond à la même architecture sympathique avec des murs blancs simples qui ne sont pas sans faire penser à Le Corbusier mais des formes arrondies organiques. Le clocher en ellipse creuse est remarquable. J’ai hésité à y entrer à cause de ma tenue sportive parce qu’une petite troupe de dames discutait à l’intérieur. Je suppose qu’elles avaient assisté aux vêpres. Je suis finalement entré au moment où elles sortaient, pensant que c’était le bon moment même si je devais les empêcher de fermer l’église pendant quelques minutes (on ferme les églises dans le Midi…).

Passer par le chas d'une aiguille

Passer par le chas d’une aiguille

L’intérieur est simple, lumineux et propice à la méditation, mais il y a aussi des formes intéressantes. L’idée de mettre l’autel dans un genre de niche de forme très spéciale est une interprétation innovante du concept de chœur et les jeux de lumière favorisent diverses associations symboliques voire mystiques.

Vitraux à La Grande-Motte

Vitraux à La Grande-Motte

J’aime bien visiter les églises vraiment contemporaines quand elles sont conçues par des grands architectes, on découvre d’autres façons d’approcher l’idée de transcendance. A la Grande-Motte, on peut par contre ignorer les vitraux et le mobilier.

Il était 17 h quand je suis parti de la Grande-Motte mais le mistral ne me donnait pas vraiment le choix de chercher à rejoindre Nîmes par l’intérieur, d’autant plus que la distance est importante. J’ai donc préféré en rester au programme choisi et j’ai continué le long de la côte vers Montpellier et sa gare.

Plage entre La Grande -Motte et Carnon

Plage entre La Grande -Motte et Carnon

On finit par sortir de la station en traversant un parking long de plusieurs kilomètres qui sert aux excursionnistes du dimanche. Le parking donne accès à la plage à travers la dune. Il est à sens unique dans le sens sud-nord mais les vélos sont heureusement autorisés à rouler à contresens; je ne me voyais guère prendre la voie rapide qui est la seule alternative.

Au bout du parking, on trouve la station classique de Carnon-Plage, une vraie déception après le Grau-du-Roi et la Grande-Motte. Pas de promenade plantée en bordure de dune; des maisons affreusement banales et plus près du centre des petits immeubles laids bloquent entièrement la vue et monopolisent le bord de la plage. Il y en  a pour 3 km de rue ennuyeuse en plein soleil avec gendarmes couchés et interdictions diverses. On arrive ainsi au seul endroit plus agréable, le port de plaisance des deux côtés d’un canal reliant les étangs de Pérols et de Mauguio à la mer.

On a choisi de construire les ponts en hauteur pour permettre la circulation des plaisanciers, ce qui permet de barrer l’horizon au moyen des piliers de la voie rapide. Pour cacher cela depuis les cafés autour du port, on a construit plus récemment une passerelle un peu bizarre que j’ai malheureusement oublié de prendre en photo. L’atmosphère autour du port est assez stéréotypée, y compris en termes de commerces, et on pourrait aussi bien se trouver au Crouesty. Autant j’ai été intrigué et agréablement surpris par La Grande-Motte, autant j’ai trouvé Carnon-Plage banal.

Etang de Pérols

Etang de Pérols

Sur la route de Montpellier, je suis tombé dès la sortie de Carnon sur une piste cyclable tout à fait inattendue. Elle commence par traverser le canal du Rhône à Sète en offrant une très belle vue sur l’étang de Pérols. Je suis assez satisfait de mon contrejour. Les collines au fond sont celles de la Gardiole, Montpellier est plus à droite et Sète est plus à gauche.

A la sortie du pont, j’ai trouvé à ma grande surprise un arrêt de tramway (ma carte est décidément un peu dépassée). Essayant de voir où se rendait ce tram inattendu, j’ai constaté qu’il va à la gare de Montpellier et qu’il partait dans deux minutes. J’ai fait preuve d’une rapidité rare dans ma décision et j’ai tout juste eu le temps d’acheter le billet (€1,80 je crois) avant que le tram ne parte sans moi. J’aurais normalement pu continuer jusqu’à Montpellier à vélo mais j’étais ennuyé par l’heure tardive.

On voit depuis le tram que la piste cyclable n’est pas passionnante, on traverse beaucoup de zones commerciales ou on longe des immeubles de bureaux. Je connais mal Montpellier mais je sais que la ville a énormément grandi en 20 ans (de 50.000 habitants !) et les villes modernes grandissent par des zones de banlieue assez pénibles à vélo.

Le tram n’étant pas trop lent, j’ai même eu le temps d’acheter un billet (cher cette fois avec 9€ pour 55 km) et de prendre un TER avant 18 h 30. Il y avait pas mal d’agitation dans cette grande gare et la SNCF avait surtout eu l’idée très malheureuse de faire circuler le train de Nîmes sur le quai prévu pour le train retardé de Narbonne. Les gens allant à Narbonne cherchaient desespérément à savoir si le train entrant sur le quai du mauvais côté était quand même pour eux et ceux qui allaient à Nîmes voulaient être sûrs que le train y allait vraiment. J’ai ignoré les indications contradictoires des haut-parleurs et des ordinateurs parce que la destination était marquée sur le train.

Mais une dame a demandé cinq minutes après le départ si elle était bien dans le train de Narbonne. Elle n’a heureusement pas eu l’air affreusement inquiète quand elle a su qu’elle s’était trompée de train. Elle a demandé au contrôleur si elle devait descendre à Lunel ou à Nîmes pour arriver plus vite à sa destination et il lui a dit qu’il n’en savait rien et qu’elle pouvait prendre le risque qu’elle préférait. J’ai trouvé ce fonctionnaire particulièrement serviable et utile. La dame est descendue à Lunel où le train en sens inverse arrivait justement mais je ne sais pas si elle a eu la présence d’esprit de monter directement dedans.

En tous cas, je suis arrivé sans encombres et à l’heure à Nîmes que j’ai traversé une nouvelle fois jusqu’à l’auberge de jeunesse. Il était à nouveau un peu tard mais je savais maintenant où trouver des restaurants et je me suis dirigé directement dans le quartier idoine. J’avais envie de cuisine chinoise depuis plusieurs jours, chose qui me préoccupe rarement, et j’ai donc cherché dans cette direction.

Un restaurant vietnamien m’aurait particulièrement tenté si j’avais été certain de son authenticité, mais je ne voulais pas d’un restaurant tenu par un chinois qui annonce des plats vietnamiens pour attirer les clients mais sert les mêmes plats fades et lourds que dans tous les mauvais restaurants chinois de France.

J’ai fini par choisir un restaurant dit vietnamien (mais probablement tenu par des Chinois) particulièrement couru avec un très beau décor. On entre par un petit pont en bois rouge qui franchit un genre de mare où les gens jettent de la menue monnaie. C’est original et joli. Les propriétaires sont bien introduits à Nîmes car certains clients qui ont tout l’air de notables imbus de leurs qualités et apparences sont accueillis comme des habitués.

Honnêtement, en dehors d’observer la bonne bourgeoisie locale, le restaurant ne vaut pas vraiment le détour. La cuisine y est correcte mais franchement banale. Je suis un peu hésitant pour Nîmes, il n’y avait aucun restaurant dont j’aurais eu spontanément l’impression d’un endroit sympathique et appétissant comme celui de Millau. J’ai d’ailleurs eu le même problème à Nice.

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